La Comtesse Greffulhe Parties III et IV

Comtesse Greffulhe, manteau en agneaux

III. Le désir de liberté

Sa Personne
Dès les premières années de son mariage, le retour du printemps  marque pour Élisabeth le retour des mondanités, et la fin de sa claustration. 
La « Saison » sera alors l’échappatoire de la Comtesse Greffulhe. A plusieurs reprises elle a pu remarquer la fascination qu’elle exerçait lors de ses apparitions. Son apparence, sa manière d’être, sa personne, sera sa revanche contre un mari libertin et tyrannique. 
A chacune de ses exhibitions, Élisabeth se veut prestigieuse, inégalable, n’importe quoi, quitte à virer à l’extravagance, du moment qu’elle n’est pas commune. C’est pour cette raison que la richesse de ses toilettes est dûment appréciée au Palais Galliera, qui reçoit ces pièces au fur et à mesure des donations des descendants. 

Robe d’intérieur, WORTH, vers 1897

En outre, les chroniques mondaines de l’époque relatent précisément la composition de ses toilettes, ce qui contribue à faire d’elle un modèle en matière de mode parisienne. Dans des archives manuscrites, Élisabeth se décrit elle même sous les traits de « la femme qui donne la mode ». Elle fut également dépeinte par bon nombre d’auteurs, qui nous permettent ainsi de mieux connaître la personnalité de cette femme et épouse parfaite selon toute apparence. Le meilleur exemple parmi eux est bien entendu Marcel Proust dans « À la recherche du temps perdu ». Le tableau qu’il fait de la duchesse de Guermantes s’inspire si clairement de la comtesse Greffulhe qu’il s’attirera à sa publication, les foudres de celle-ci, pour avoir exposé au grand jour l’échec de son mariage et l’intimité de ses relations avec son cousin.
En 1890, invité à séjourner au château de Bois-Boudran par la Comtesse, Paul César Helleu  tente lui aussi de capturer Élisabeth « sur le vif » à travers une série de croquis. Cependant l’intimité reflétée dans ces dessins ne leur permettront pas plus tard d’être exposés. C’est durant la même année qu’il réalisera le magnifique portrait en pied de la Comtesse Greffulhe.


Paul César Helleu, croquis de la Comtesse Greffulhe:










         Si les chroniques mondaines prennent un soin particulier à décrire les toilettes de la Comtesse, ses couturiers et fournisseurs ne sont néanmoins jamais révélés: Worth, Fortuny, Babani, Lanvin, Poiret… Pour cause, Élisabeth entretien avec eux une relation spéciale. Si l’on en croit Robert de Montesquiou-Fécenzac, après que ces derniers aient présenté toutes leurs nouvelles créations, à la mode, elle clôturait la séance par un « Faites-moi tout ce que vous voulez…. qui ne soit pas ça! ».
         Sa répulsion pour la banalité pouvait la conduire par ailleurs à faire réaliser ses propres créations. Il en est ainsi d’une robe rose pâle de Worth qu’elle aurait portée lors d’une Garden Party à Versailles, et dont on soupçonne que le motif floral imprimé dessus soit de son propre fait (elle expose quelque mois plus tard une peinture sur tissus semblable, représentant à peu près la même orchidée dans des tons mauves).


Robe Garden Party, portée en 1894 lors d’une garden party donnée à Versailles, Worth.

Voici quelques une des pièces phares de la Comtesse Greffulhe:




A GAUCHE: Robe Garden Party, portée en 1894 lors d’une garden party donnée à Versailles, Worth.
Cape du soir, en réalité il s’agit d’un manteau d’apparat de la région de Boukhara (Ouzbékistan) offert par le tsar Nicolas II en 1896, la Comtesse le fait remanier par Worth en 1904… afin de pouvoir le porter!
A DROITE: Robe de jour, Maison Soinard, vers 1887

« Robe aux Lys », Worth, 1896



Paul Nadar, Portrait de la Comtesse Greffulhe, en robe du soir de Worth, dite « robe aux Lys », 1896

Être utile à la société

C’est à sa mère qu’Élisabeth doit son désir de se rendre utile à la société. Et cette ambition va se traduire de trois manières différentes:
   
Tout d’abord, par les Arts. Élisabeth, comme son dandy de cousin, s’implique énormément dans les mouvements d’avant garde de son époque. Elle promeut de nombreux artistes comme Schönberg, Edward Elgar, Paul César Helleu… Elle fait venir les ballets Russes de Diaghilev à Paris, et contribue à la gloire de Fauré et St Saëns.



D’autre part, son entremise, permet de faire évoluer le domaine scientifique. Elle joue un rôle important dans le financement du projet de l’Institut Radium de Pierre et Marie Curie. En outre, c’est grâce à la Comtesse Greffulhe qu’Edward Branly réussi à mener à bien ses recherches sur la téléphonie sans fil, en lui faisant obtenir la moitié du prix Osiris.
Élisabeth Greffulhe ne reste pas non plus indifférente au domaine politique. La villa de Dieppe peut ainsi accueillir tour à tour le prince Sagan, Lord Lytton ambassadeur d’Angleterre ou le futur président Deschanel à titre parfaitement amical et que ce soit dans l’un de ses salons que se signe l’Entente Cordiale entre le Prince de Galles, futur Edward VII et Delcassé! Son implication lui vaudra d’être accusée par Léon Daudet d’être à la solde de l’Allemagne, en 1918, en raison de son soutient à Joseph Caillaux. 



Robe Byzantine, robe que la Comtesse porta au mariage de sa fille Elaine, le 14 novembre 1904, et dont la beauté éclipsa la mariée même…


IV. UN AUTRE SIÈCLE…

La première guerre mondiale voit l’émergence d’une société nouvelle dont elle n’est plus le centre, ni la figure emblématique. Élisabeth se tourne peu à peu vers des activités plus prosaïques. Elle se consacre plus volontiers aux pastels et introduit les courses de lévriers… Bien qu’elle tienne toujours salon, celui-ci est détrôné par celui de Beaumont.

 Philip Alexius de Laszlo, La Comtesse Greffuhle,1905.

En 1932, la mort de son mari va laisser place à une longue période de troubles. En effet l’une des ses nombreuses maîtresses, la comtesse de la Béraudière intente sans succès un procès à Élisabeth afin de s’accaparer l’héritage. Cet épisode fait les gorges chaudes de la presse parisienne, et Élisabeth Greffulhe passe de fait pour « la femme la plus trompée de Paris ».
Elle verra également la seconde guerre mondiale avant de s’éteindre à l’âge de 92 ans, en 1952, sur les bords du lac Léman en Suisse, là où son médecin lui avait conseillé de se rendre pour sa santé. 



Manteau de jour, J. Lanvin, 1936.







Source: PALAIS GALLIERA, La mode retrouvée - Les robes trésors de la comtesse Greffulhe, PARIS MUSÉES.














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